Cet interview de Romain LEMAIRE, Président de B.V.F, provient du blog de CEGID
Chercher des clients. Recruter des collaborateurs. Se différencier face à une concurrence qui se durcit. Réussir sa digitalisation. Développer ses compétences. Assurer les missions règlementaires. Rester disponible pour le conseil. Imaginer de nouveaux services. Il y a tellement à faire quand on dirige un cabinet d’expertise-comptable ! Avec parfois le sentiment qu’on n’y arrivera pas tout seul ? L’union fait la force, dit le proverbe. Il est logique que comme tout chef d’entreprise le dirigeant d’un cabinet puisse s’interroger sur la possibilité d’un rapprochement.
Si les facteurs psychologiques – dont les longs mois de confinement – peuvent tenir une place importante dans le désir de s’adosser à un autre cabinet, les raisons d’une telle démarche ne s’arrêtent évidemment pas là. Face à la transformation de la profession et des attentes des clients, une analyse de type SWOT peut vite montrer que la liste des faiblesses dépasse celle des forces et que, tant pour faire face aux menaces que pour bénéficier des opportunités, la structure actuelle d’un cabinet indépendant soit insuffisante.
Parmi les points-clés figurent souvent :
Toutes ces raisons, il faut les lister, les clarifier avant de prendre une décision qui peut prendre de multiples formes : faire entrer un nouvel associé, adhérer à un groupement, ou s’adosser à un plus grand que soi.
Cette dernière solution – le rapprochement, offre l’avantage d’apporter des solutions rapides
L’idéal ? Un rapprochement qui donne au vendeur l’occasion de tirer davantage parti de ses savoir-faire spécifiques, explique Romain Lemaire, Président de Belles-Vues-Finances, conseil en transmission de cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes et à nouveau Palme d’Or de La Profession du Chiffre en 2021 dans sa catégorie.
« Il peut s’adosser à un cabinet qui veut consolider un savoir-faire très demandé. Ou à un acteur qui aurait industrialisé une spécialisation mais se trouverait sous la menace d’un changement dans la législation. Imaginez par exemple un cabinet qui aurait multiplié l’usage de la niche fiscale LMNP parmi sa clientèle. Intégrer un cabinet spécialiste de l’immobilier soumis à l’IS lui permettra d’offrir une alternative toute prête en cas de changement de la LDF… et de sauver ainsi sa clientèle »
« Il y a une grande différence entre une cession pure et simple, dans le cas d’un départ en retraite, notamment, et un rapprochement, continue Romain Lemaire. Il ne s’agit pas d’une simple transaction à négocier, mais plutôt d’une conciliation entre les objectifs et les intérêts des deux parties. L’objectif, c’est de faire deux gagnants. Contrairement à une cession, l’avenir commun tient une importance primordiale : la question clé est une notion prospective : qu’est-ce que nous allons faire ensemble ?
Dans un rapprochement, la valorisation est intimement liée à l’affectio societatis.
Pour l’un comme pour l’autre, la réussite de l‘opération peut être vitale. Il est fondamental de comprendre laquelle des deux parties est la plus motivée ».
Reste que tout passe quand même par la valorisation respective des deux entités. Mieux l’on aura valorisé son cabinet et ses compétences, plus on pèsera dans le nouvel ensemble.
« Mais pour que l’association dure, le deal doit être équitable »
En théorie, il faudrait s’y prendre 2 à 3 ans à l’avance pour se préparer au rapprochement, ne serait-ce que parce que l’acquéreur demandera presque toujours à voir les 3 derniers bilans. C’est le temps nécessaire à valoriser au mieux son existant, son savoir-faire, sa visibilité : participer à des conférences, écrire des articles, communiquer régulièrement sur les réseaux sociaux, etc.
C’est cependant le dernier bilan qui s’avère le plus important, d’après Romain Lemaire. Il faut chercher le bon équilibre entre le salaire et les dividendes pris par le dirigeant, et améliorer autant que possible sa rentabilité, notamment sur ses spécialités. Et – surtout ? – il faut apprendre à « se vendre »…
« La méthode la plus courante est la fusion-acquisition, avec achat des parts, augmentation de capital et fusion à suivre ou, mieux, une fusion avec augmentation de capital par apport de titres ou de fonds de commerce, selon les cas. L’usage des titres d’apport en industrie et/ou de catégories d’action, les unes en pleine propriété et d’autres donnant seulement droit aux dividendes, est réservée à certains cas, et demeure très rare dans la profession »
Le pacte d’associés aura été travaillé et acté, avec des clauses de sorties dûment validées. Le rôle du nouvel arrivant dans la structure consolidée aura été clairement établi.
L’analyse des deux organisations, la compréhension des conséquences organisationnelles et techniques du rapprochement, l’identification des collaborateurs-clés, s’avèrent indispensables en amont – l’intermédiation du conciliateur permettant de conserver la confidentialité nécessaire. Mais une fois l’accord trouvé entre les deux cabinets, on portera un intérêt tout particulier à l’annonce et au suivi de la décision.
Vis-à-vis de ses collaborateurs, un rapprochement suscite toujours, et c’est bien normal, des interrogations, parfois des doutes, et quelquefois des craintes. Un échange loyal s’impose sur les nécessités qui ont conduit à la décision, ses avantages pour le cabinet et ses clients. En gardant à l’esprit que la première question qui se posera à chacun sera : « quelles sont les conséquences en ce qui me concerne ? ».
« Ne prétendez jamais que ça ne changera rien pour eux ! D’abord, ils ne vous croiront pas et, ensuite, si c’était le cas, pourquoi le faire ? Il faut plutôt présenter le projet comme une nouvelle étape pour tous. »
Vis-à-vis des clients, l’objectif sera d’abord de rassurer : leurs interlocuteurs demeurent en place, ils bénéficieront de nouveaux services, la réactivité du cabinet s’en trouvera améliorée, leur expert-comptable gagnera en disponibilité pour les conseiller au quotidien, les outils informatiques mis à leur disposition leur donneront davantage de visibilité sur leur activité, etc. Mais il faudra que les promesses soient tenues !
La gestion des émotions – sans oublier celles que peut ressentir un chef d’entreprise quand il abandonne sa totale indépendance – constitue un facteur clé de succès de tout rapprochement.