"Pour céder son activité de CAC, mieux vaut avoir des collaborateurs dédiés"

Cet interview de Romain LEMAIRE, Président de B.V.F, provient d'actuEL Expert-comptable

 

Vous participez pour la première fois aux Assises Nationales de la CNCC, pourquoi ?


Précisément, parce qu’il y a une évolution, une pression de la demande concernant les cessions de mandats. Nous faisions peu de transactions concernant les Cac avant la crise du Covid. Il faut dire que l’entrée en vigueur de la loi Pacte en 2019 a généré une méfiance de la part des repreneurs potentiels qui ont alors levé le stylo, en se demandant à quoi servait de racheter des mandats qui allaient s’éteindre. Puis, la crise du Covid est arrivée et les Cac ont été sollicités pour accélérer la validation des comptes des entreprises qui en avaient besoin. Les ordonnances Castex ont permis de reporter certaines échéances, les Cac ont pu encaisser leurs honoraires voire faire des missions complémentaires d’audit contractuel. Les stylos se sont levés à nouveau pour ne pas signer de ventes, cette fois-ci côté cédants, dans un esprit d’attentisme. Par ailleurs, certains professionnels qui avaient une double activité d’expertise comptable et de Cac ont parfois décidé de céder la première en se disant qu’ils garderaient leurs quelques mandats d’audit légal qu’ils exerceraient tranquillement seuls, pour rester avec un pied dans le métier. Aujourd’hui, clairement, les professionnels de l’audit se scindent en deux : il y a d’une part les cabinets de taille restreinte qui, ayant une longue expérience, n’ont plus envie d’investir dans leur développement face aux incertitudes et à l’inflation réglementaire. Certains ont encore du mal avec les normes IFRS, sans parler des formations nécessaires pour pouvoir exercer les nouvelles missions qui se profilent, par exemple de vérificateur ESG. Et d’autre part, il y a des cabinets – souvent de taille plus importante ou qui sont des entités audit adossées à un gros cabinet comptable – qui ont fait le choix du commissariat aux comptes. Ils parient sur les perspectives de nouvelles missions et se spécialisent. Ceux-là sont intéressés par le rachat, soit de mandats seuls, soit d’un cabinet d’audit, personne morale détenant les mandats.

 

Quelle est la différence ?


Racheter des mandats seuls représente un risque pour le repreneur. Car un commissaire aux comptes peut démissionner d’un mandat en cours pour, par exemple, prendre sa retraite. Mais son client n’a aucune obligation de contracter avec le repreneur. En rachetant une société, surtout si elle est bien structurée, le repreneur peut poursuivre et a d’emblée, le cas échéant, du personnel.

 

Justement, quels sont les critères de valorisation d’un cabinet d’audit ?

Ce qui intéresse beaucoup les repreneurs, c’est la présence de collaborateurs spécialisés dans l’audit, efficaces et bien formés. Cette exigence dépasse même celles liées aux clients car, comme en
expertise comptable, ce n’est pas le travail qui manque, mais les bras et les cerveaux. Il y a dix ans, il n’était pas rare que dans un cabinet comptable, les mêmes personnes effectuent à la fois des tâches de
comptabilité et d’audit. Les compétences pouvaient laisser à désirer car elles n’étaient pas spécialisées, ni dans un domaine ni dans l’autre. Aujourd’hui, ne pas se former fait peser un risque sur les auditeurs, très contrôlés par leurs instances. Il n’est plus possible de travailler à l’ancienne, en se rendant une fois par an chez son client pour photocopier le dossier de l’expert-comptable, déjeuner avec le dirigeant et
repartir. La crise a engendré de nouvelles demandes de commissariat aux apports, aux fusions… Les concentrations d’entreprises pour mieux résister économiquement ne sont pas rares et dans toute transformation, l’intervention d’un Cac est précieuse. Sa signature au bas d’un rapport (surtout si le cabinet d’audit a un nom et une réputation) rassure les banquiers et les partenaires financiers. En résumé, plus un cédant a du personnel bien formé et apte à évoluer, plus son cabinet est intéressant.

 

Comment a évolué la valeur des mandats ?


Il y a dix ans, le coefficient était de 1 an d’activité à 1,2 pour les mieux structurés. Aujourd’hui, il est toujours autour de 1 mais peut chuter à 0,8 pour un mandat sans collaborateur spécialisé.

 

 

(*) Lauréat en 2020, 2021 et 2022 de la Palme d’or du palmarès du Monde du chiffre dans la catégorie Transmission de cabinets

Propos recueillis par Olga Stancevic